Reconnaissance : les trois vieillards


Trois vieillards discutent sur un banc vermoulu dans la fraîcheur d'un soir d'été. Le premier s'adresse aux deux autres:

« Quelle période magique que celle de l'enfance! Je me levais de bon matin et la rumeur du jour réchauffait ma poitrine comme un vin d'allégresse. Je me disais :

"Aujourd'hui, je vais aider mon père dans les champs" ou : "tiens ! Ma mère a peut être besoin que je porte la jarre d'eau à sa place ?" Croyez-moi, le bonheur est perdu dès que le corps a fini de grandir. Aujourd'hui, je donnerais tout pour retrouver la vitalité de mes premières années..."

Le second prend la parole et dit: "Moi, je n'ai jamais été aussi sage que pendant mon enfance. Pas de querelle avec les femmes, pas de coup bas entre hommes, aucune parole malheureuse, l'unique souci du jour présent. Croyez-moi, le secret de la jeunesse éternelle, c'est l'insouciance du lendemain. Aujourd'hui, je pense à ma famille, à l'héritage, à la situation de mes fils. Je donnerais tout pour retrouver la tranquillité d'esprit. »

Alors, le troisième vieillard se racle la gorge et parle en ces termes: « Comme vous, il m'arrive de repenser aux matins de mon enfance lorsque je me disais : "aujourd'hui je vais ranger la maison, laver le linge ou apprendre mes leçons."

« Comme vous, je suis sensible au temps qui passe et à l'indifférence qui était alors la mienne. Mais contrairement à vous, j'ai compris pourquoi nous étions heureux à l'époque.

« Quelle est la condition du bonheur ? Ce n'est ni l'énergie perdue, ni l'insouciance à jamais envolée, mais la RECONNAISSANCE. Voici en réalité ce que vous vous disiez chaque matin en vous levant : "Merci de me permettre d'être vivant, jeune et en bonne santé. Le seul moyen que j'aie d'exprimer ma gratitude, c'est de tout faire le mieux possible aujourd'hui. »